Bon alors j’annonce, pas de dessin encore ce jour-ci. Je ne sais pas, j’y arrive pas. Va falloir trouver la motivation pourtant…
Donc c’est sur les 9h que je me réveille et me lève. Je me suis fait livrer le petit déjeuner dans mon salon ce coup-ci. Je passe vraiment de bonnes nuits dans cette suite. Il faut dire que le lit est divinement confortable, la chambre d’un silence incroyable. J’entendais juste de temps à autre quelques pas dans le couloir, mais rien de bien important. Bref, passons ces détails. Je profite donc de mon petit déjeuner dans la partie salon de la suite, un des hublots, qui ressemble plus à une fenêtre qu’à un hublot, est ouvert, et laisse franchement entrer le Soleil. Je me penche au travers de l’ouverture pour constater à quel point je suis haut par rapport au niveau de l’océan. Le petit déjeuner terminé, je prends un bon bain, et m’habille pour une petite visite au travers du Titanic.
Je ne vais sans doute pas tout visiter, d’une part parce que je n’aurais pas le temps en une journée, et que d’autre part, j’ignore si tout est « visitable ».
Il est 10h45. Je prends la direction de l’avant du navire, pour aller rendre visite à la timonerie. Je n’en suis vraiment pas loin toutefois. Je débouche tout d’abord sur la passerelle, où les officiers sont affairés. Je m’adresse à l’un d’eux pour savoir s’il est possible de me présenter le poste de navigation. La météo étant calme, le navire effectuant sa marche de croisière, il se trouve qu’il a du temps à m’accorder. Je l’entends même dire «This ship is so brilliantly conceived that we can go straight to New-York without move a finger» [trad. «Ce navire est tellement bien conçu que nous pourrions aller droit sur New-York sans bouger le petit doigt.»]. J’esquisse un sourire, assez gêné. Si seulement lui aussi savait…
Il me présente tout d’abord la passerelle, qui est à l’air libre, ouverte de part et d’autre, avec de larges fenêtres devant en cas d’intempéries. Il m’indique les différents instruments de navigations, dont la roue auxiliaire, qui est en quelques sortes le « volant » du paquebot. Je demande si je peux tenir la barre. Hé oui, je vais tenir la barre du Titanic. Jamais dans ma vie je n’aurais imaginé ça ! Je grimpe sur la petite estrade qui est devant, et on me tends tout délicatement la roue. Je la saisis, le plus fermement possible. C’est très doux comme mouvement. Mes mains commencent à légèrement poisser sur les poignées. L’émotion sans doute. Je préfère repasser la direction à quelqu’un de plus compétent. Je demande à regarder de plus près les espèces d’instruments qui possèdent des inscriptions sur le côté. Ce sont des télégraphes. Ceux-ci servent à donner des ordres dans la salle des machines afin de commander l’allure du navire. Je lance une petite question : «Full Astern, have you ever use it onboard ?» [trad. «Arrière Toute, vous l’avez déjà utilisé à bord ?»]. Non, me répond-t-on, jamais en pleine vitesse de croisière, et qu’il n’y a pas trop de raisons pour l’utiliser. J’aurais presque envie de lui dire que ça ne saurait tarder… La visite se poursuit dans la timonerie, qui est la partie totalement abritée de la passerelle. Celle-ci sert en cas de grosses intempéries, et l’hiver. Elle présente les mêmes instruments de navigation que ceux situés dans l’abri de la passerelle. Mon regard est attiré par un tableau, qui présente une vue en coupe longitudinale du navire, avec les différents compartiments. Des voyants lumineux indiquent si les portes étanches de chaque cloisons sont fermées ou non. Aussi, de simples interrupteurs peuvent faire basculer les portes. Je demande ce qu’il se passerait si les 6 premiers compartiments étaient inondés. L’officier me dit qu’au maximum 2 voire 3 compartiments pourraient être touchés lors d’une collision, mais SIX ! Non il n’y croit pas, et me rassure d’office que jamais cela n’arrivera. Je ne préfère pas argumenter plus en avant…
La visite continue et je passe dans diverses salles, dont une retiendra mon attention : la salle des cartes. Ayant toujours eut une affection particulière pour la cartographie, je reste un petit moment à observer, à scruter, étudier les cartes de navigation. Mon regard se porte vers le point où le naufrage aura lieu, et je remonte jusqu’à notre position actuelle. Il reste environ 2000 kilomètres à parcourir avant le choc final.
Je croise au détour d’un couloir, sur la fin de ma visite, le commandant Smith en personne. Il s’étonne qu’on ait pu laisser passer un civil dans les quartiers privés, mais l’officier signale que je me suis montré curieux et intéressé par ce qu’ils faisaient, et que je n’ai pas causé de problèmes. Je me souviendrais je crois toujours des derniers mots que j’ai dit au commandant : «Goodbye, who knows… ?» [trad. «Au revoir, qui sait… ?»]..
Midi ! L’heure de manger ! Je me présente de nouveau au Restaurant à la Carte. Je passe rapidement sur le menu, qui était copieux une fois de plus, avec entre autre, des cailles et sa sauce forestière, le sorbet au citron (j’en reprend car vraiment délicieux), ainsi que du fromage (du Cantal ! Il y avait du Cantal à bord du Titanic !). Le tout arrosé d’un vin rouge français (un Côte du Rhône), qui m’a une fois de plus estomaqué. Vraiment à cette époque les vins étaient excellents.
Je choisis de faire une petite sieste sur la Promenade Solaire, d’une petite heure, ce qui me conduit à…
14h30 ! Après avoir vu le poste de navigation, je choisis de me rendre au plus profond du navire, au coeur de celui-ci. Chemin est pris pour la salle des machines. Je m’étais renseigné sur la possibilité de visite auprès de l’officier, il m’a dit que ce n’était pas possible, mais que toutefois, une exception pouvait m’être accordée. Il m’a passé un mot que je devrais présenter à l’ingénieur en charge des machines. J’ai pris des vêtements un peu moins salissants pour la visite. Une simple chemise blanche surmontée d’un gilet gris avec un pantalon en tissu noir léger. Je prends l’ascenseur, qui me descends au pont G. Quelques escaliers supplémentaires sont à emprunter pour parvenir au pont des ballastes, sur le fond du paquebot. Une vraie ville flottante ! Après présentation de l’autorisation d’accès aux locaux, me voici guidé par l’ingénieur en chef. Tout d’abord, nous allons dans les chaufferies, où m’attendent des chaudières. C’est presque l’enfer ici. Une chaleur lourde, étouffante. En tout sens s’agitent les chauffeurs, qui chargent le charbon à coup de pelletées précises dans les ouvertures enflammées des chaudières. Il doit faire au moins 50°C. On se croirait véritablement dans un Sauna. Hallucinant. Et dire que des gens travaillent ici, afin de propulser cet immense bâtiment qu’est le Titanic. Je suis en admiration. On me présente rapidement les soutes à charbon. Ce sont d’immenses salles remplies de charbon. Une de ces soutes a connu récemment un incendie, qui n’a pu être stoppé qu’il y a peu. Je l’ignorais… L’ingénieur tient vraiment ensuite à me montrer ce qu’il appelle la pièce maîtresse de ce navire, à savoir l’un des évaporateurs du bateau. Ceux-ci sont chargés de pomper l’eau de la mer et de la purifier de son sel, afin d’envoyer de l’eau douce dans les chaudières. En effet, sans elles, pas d’eau chauffée, et donc pas de vapeur, et pas de propulsion par conséquent. La visite continue en direction des machines de propulsion. Et là j’ai je crois le choc de ma vie, en voyant les immenses vérins (longs de plus de 10 mètres) s’agiter à toute allure, dans un mouvement de va et vient hallucinant. Une merveille technologique. Et toujours dans cette ambiance totalement tropicale, et un vacarme assez assourdissant. Je voudrais bien rester un moment à observer ces engins, mais je dois me résoudre à quitter l’endroit. En effet nous allons rendre visite aux générateurs électriques, ceux qui fournissent toute l’électricité à bord du navire. C’est nettement moins spectaculaire, si ce n’est que c’est juste un peu moins bruyant. Je passerai quasiment toute l’après-midi à visiter les lieux, et, (enfin j’ai envie de dire) débarrassé de mon guide, prends un malin plaisir à me perdre dans les méandres des machineries du Titanic. De temps à autre je demande quelques renseignements techniques sur telle ou telle pièce. Mais un coup d’oeil à ma montre me m’indique qu’il est déjà 17h. Je décide de remonter en « surface ». Mais je me trompe de direction et arrive au niveau des stocks et entrepôts, dans les cales. J’y passe en flânant presque, content d’avoir trouvé cet endroit. J’arrive à trouver la voiture embarquée à bord, une … Renault. Marque française. Moi qui m’attendait à trouver une Ford. Il y a bon nombre de caisses en bois, toutes de dimensions variables. Au détour de l’une d’elles, je trouve l’entrée d’un escalier, celui de l’avant du navire, qui va pouvoir me ramener à la lumière du jour. Celui-ci traverse les appartements de 3ème Classe. Mais la fatigue de l’après-midi se faisant sentir, je choisi de continuer directement en direction du pont.
Je retrouve avec soulagement la lumière solaire. J’ai débouché quelque part sur l’avant du paquebot, juste sous la passerelle, au niveau du pont C. Quelques escaliers et je reviens au pont B et au niveau des logements de 1ère Classe. Je me fait remarquer évidemment de par mon aspect assez sale. J’essuie quelques regards de dédain sur le retour vers ma suite. Ils devaient penser que j’étais un passager de 3ème classe perdu…
Il est environ 18h30. Je me fais couler un bain bien chaud et y reste pratiquement une heure, m’y prélassant. C’est le genre de plaisirs qui ne se refusent pas ! La suite et la fin de la journée suivra le même schéma qu’hier soir, à savoir repas bien copieux (et arrosé) suivi d’un passage au fumoir. Mais avant de retourner mes coucher, sur les minuits environs, je décide d’aller sur le pont, la Promenade Solaire. Un petit vent frais sur mon visage, le léger abrutissement d’un cognac, et le ciel étoilé. Je m’allonge sur une des chaises longues en bois et observe le ciel piqueté de milliers d’étoiles. La puissance de l’éclairage du navire n’est pas en mesure de masquer le ciel étoilé. Si il y a une chose qui ne change pas en un siècle, c’est bien le ciel. L’avant dernière nuit avant…